Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui met nos émotions à l’épreuve de manière constante et souvent violente.
Les crises sanitaires, les guerres, les catastrophes naturelles, le réchauffement climatique, ainsi que l’instabilité économique et politique nous plongent dans un tourbillon d’incertitudes. Cette situation engendre des émotions intenses et souvent contradictoires : anxiété, peur, colère, frustration, impuissance. Ces émotions peuvent être déstabilisantes et envahissantes, affectant profondément notre équilibre intérieur.
Dans ce contexte incertain quel rôle jouent nos émotions ? Est-il préférable d’étouffer ou d’exprimer ses émotions ? Nos émotions affectent-elles notre santé ? Qu’est-ce qu’une bonne gestion émotionnelle ?
1- Comprendre la gestion des émotions
1.1 Qu’est-ce qu’une émotion ?
Le terme émotion provient du latin « emovere », qui se compose du préfixe « e » (signifiant « hors de ») et de « movere » (signifiant « mouvement »). Ainsi, une émotion peut être définie comme une énergie dynamique qui nous pousse à passer à l’action.
Une émotion est une réaction physique complexe, déclenchée par un stimulus intérieur ou extérieur, qui reflète notre degré d’implication face à une situation ou un événement. Elle est donc à la base du comportement humain.
Les caractéristiques des émotions :
- Déclenchement par des stimuli : les émotions peuvent être provoquées par des stimuli externes (interactions sociales, environnement, sons, odeurs, couleurs, etc.) ou internes (pensées, croyances, douleurs, maladies).
- Nature sensorielle et mentale : l’émotion est à la fois une sensation et une construction mentale. Elle exprime comment une personne ressent un événement tout en l’analysant à partir des informations extérieures.
- Subjectivité : chaque émotion est une interprétation personnelle de la réalité, influencée par le vécu, la personnalité, l’épigénétique et l’éducation. Ainsi, deux personnes peuvent éprouver des émotions différentes face à un même événement, et une situation identique peut être perçue différemment selon le moment.
- Visibilité : les émotions se manifestent physiquement par des réactions corporelles, telles qu’une augmentation du rythme cardiaque, des expressions faciales ou des changements de posture.
- Imprévisibilité et brièveté : les émotions surgissent soudainement et s’estompent rapidement, généralement de quelques secondes à quelques minutes. Cela les distingue des sentiments, qui perdurent dans le temps. Par exemple, la peur est une émotion ressentie face à un danger immédiat, tandis que l’anxiété est un sentiment plus diffus, traduisant un malaise chronique.
Nous sommes responsables de nos émotions : c’est notre interprétation d’une situation qui déclenche une émotion. Cette capacité à interpréter les événements joue un rôle crucial dans notre bien-être émotionnel.
1.2 Classification des émotions
Les émotions se divisent en deux catégories : les émotions primaires et les émotions secondaires.
- Émotions primaires : Ces émotions sont considérées comme universelles car elles se manifestent clairement à travers l’expression faciale, les gestes et la posture. Selon le théoricien et psychologue Paul Ekman, il existe sept émotions primaires : peur, joie, colère, tristesse, amour, dégoût et surprise.
Ces émotions fondamentales sont ressenties par tous, indépendamment de la culture.
- Émotions secondaires : Contrairement aux émotions primaires, les émotions secondaires sont le résultat de l’expérience personnelle et des interactions sociales. Elles sont souvent plus complexes et peuvent varier d’une personne à l’autre.
La roue des émotions
Pour mieux comprendre la complexité et la diversité des émotions, le psychologue Robert Plutchik a créé la roue des émotions. Cet outil visuel illustre comment l’association de deux émotions primaires peut engendrer des émotions plus complexes. Par exemple, la combinaison de la peur et de la surprise peut donner lieu à de la crainte, tandis que la tristesse associée à la surprise peut entraîner de la déception.
Cette roue des émotions permet d’identifier et de nommer nos émotions, facilitant ainsi leur gestion au quotidien. En développant cette conscience émotionnelle, nous pouvons mieux naviguer à travers nos expériences et améliorer notre bien-être émotionnel.
On pourrait renvoyer vers un autre article détaillé sur « La roue des émotions : un outil pour mieux se comprendre. »
1.3 Le rôle des émotions dans notre vie quotidienne
Les émotions jouent un rôle vital dans notre vie ; elles en sont le cœur. Sans elles, notre existence serait monotone et insipide. Les publicitaires l’ont bien compris et exploitent nos émotions pour vendre leurs produits. De plus, les thérapies modernes se concentrent de plus en plus sur les émotions, et la recherche leur accorde une importance croissante. Il est aujourd’hui reconnu que les émotions sont des facteurs déterminants du comportement humain.
Quelles sont les fonctions essentielles des émotions ?
1- Assurer notre survie
Les émotions génèrent une impulsion à agir. Par exemple :
- Peur : Nous pousse à fuir le danger.
- Colère : Nous incite à attaquer en cas de menace.
- Joie : Nous permet de savourer chaque instant de la vie.
2- Protéger notre bien-être :
Les émotions sont préalables à l’action et agissent comme des mécanismes de défense :
- Peur : Signale un danger imminent.
- Dégoût : Nous incite à éviter des personnes ou objets nuisibles.
- Colère : Aide à poser des limites.
- Surprise : Éveille nos sens pour faire face à l’inconnu.
- Tristesse : Nous aide à faire le deuil d’une perte.
- Joie : Favorise l’appréciation des situations et l’intégration dans un groupe.
3- Préparer à l’action :
- Peur : Dirige le sang vers les muscles, préparant ainsi à la fuite.
- Colère : Afflux sanguin vers les mains, facilitant une réaction rapide et énergique.
- Dégoût : Provoque une fermeture des narines face à une odeur désagréable.
Chaque émotion possède une expression corporelle spécifique, reflétant son rôle adaptatif.
Quelles sont les bénéfices des émotions ?
- Construction de soi : Les émotions font partie intégrante de notre constitution et nous aident à nous définir.
- Adaptation : Elles nous permettent de nous ajuster au monde qui nous entoure.
- Interactions sociales : Les émotions facilitent nos interactions avec les autres.
- Prise de décision : Elles aident à faire des choix que la logique seule ne permettrait pas.
- Indicateurs de bien-être : Les émotions révèlent si nos besoins sont satisfaits.
Les émotions sont fondamentales pour notre survie, notre bien-être et nos interactions sociales. En apprenant à les reconnaître et à les comprendre, nous pouvons améliorer notre qualité de vie et nos relations avec autrui.
2- Pourquoi est-il important de reconnaitre ses émotions ?
Connaitre et reconnaître ses émotions est essentiel pour grandir, s’affirmer et entretenir son bien-être. À l’inverse, ne pas être en contact avec ses émotions, ou se laisser envahir par elles, nous prive de leurs bénéfices.
Lorsque nous ne sommes plus connectés à nos émotions, nous perdons nos repères. Cette déconnexion peut entraîner des difficultés à prendre des décisions et à établir des connexions authentiques avec autrui.
2.1 Les bénéfices d’une bonne connexion émotionnelle
- Prise de décision : Être en contact avec nos émotions nous aide à évaluer les situations et à faire des choix éclairés.
- Relations interpersonnelles : Une bonne gestion des émotions favorise des interactions saines et authentiques avec les autres, renforçant ainsi nos liens sociaux.
- Bien-être personnel : Reconnaître nos émotions nous permet de mieux comprendre nos besoins et de répondre à nos attentes, améliorant ainsi notre qualité de vie.
Cultiver la conscience émotionnelle est une compétence précieuse. En nous connectant à nos émotions, nous pouvons naviguer plus efficacement dans notre vie personnelle et sociale, contribuant ainsi à notre épanouissement global.
Exprimer ses émotions de manière saine
« Tout ce qui ne s’exprime pas avec des mots s’imprime et s’exprime alors en maux. » Anne Ancelin Schützenberger, psychologue et psychothérapeute française.
Dans notre culture, l’expression des émotions n’est pas toujours encouragée. On entend souvent des phrases comme « la colère est une mauvaise conseillère » ou « le plaisir d’amour ne dure qu’un moment ». Cette tendance à valoriser le contrôle émotionnel peut conduire à une stigmatisation de ceux qui expriment leurs émotions, les jugeant trop sensibles.
2.2 Les conséquence de la répression émotionnelle
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Accumulation des émotions :
- Lorsque nous ignorons, dissimulons ou rejetons nos émotions, nous finissons par les étouffer au point de devenir prisonnier de nos émotions. Cela peut mener à une explosion émotionnelle, souvent de manière imprévisible et parfois très violente. Cette incapacité à gérer les émotions peut créer un cercle vicieux de stress et de souffrance.
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Inhibition des émotions :
- Une suppression prolongée des émotions peut entraîner une déconnexion avec notre corps. Même si nous ne ressentons plus d’émotions, notre corps continue à fonctionner. Les mécanismes inconscients s’activent, et l’énergie émotionnelle est comprimée dans des organes spécifiques bloquant ainsi leur fonctionnement (selon la médecine traditionnelle chinoise chacun de nos organes est associé á une émotion. Ainsi la peur est associée aux reins, la colère au foie, la tristesse au poumon pour ne citer que celles-ci). Cette énergie toxique peut se manifester par des symptômes tels que la fatigue, les tensions musculaires, les troubles digestifs, et d’autres malaises physiques. Des expressions courantes, comme « j’en ai plein le dos », « ça me reste en travers de la gorge », « j’ai une boule au ventre » illustrent cette connexion entre émotions et corps.
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Impact sur l’intelligence émotionnelle :
- Ignorer nos émotions empêche le développement de notre intelligence émotionnelle, une compétence cruciale pour naviguer efficacement dans nos relations personnelles et professionnelles.
3- Comment mieux gérer ses émotions ?
Gérer ses émotions implique de comprendre, d’accepter et d’exprimer ses émotions de manière saine et constructive. Une bonne gestion émotionnelle consiste à :
3.1 Prendre conscience de l’émotion
- Reconnaitre l’émotion : Une étude menée par des Finlandais a permis de cartographier les émotions dans notre corps (jaune, orange et rouge pour les sensations intenses, bleu pour les sensations légères). Lorsque vous ressentez une émotion, mettez votre attention sur votre corps (vous pouvez vous aider du schéma ci-dessous). Qu’il s’agisse de la joie, la colère, la tristesse, nommez l’émotion à haute voix. Lorsque vous effectuez cette exercice, l’intensité diminue de moitié. Soyez également attentif-ve à vos pensées et à votre comportement.
- Comprendre l’émotion : Comprendre pourquoi on ressent une émotion permet de mieux la gérer. Prenez le temps de comprendre ce qui dans votre environnement a déclenché l’émotion. Est-ce un regard ? Le ton d’une voix ? Une odeur ? Un bruit soudain ? Comment avez-vous interprété ce stimuli sensoriel ? (Vous été vous senti(e) rabaiss(é)e, humili(é)e, agress(é)e, rejet(é)e ?). Pouvez-vous lier cette situation à un évènement du passé ?
3.2 Gérer l’émotion
- Accueillir et accepter l’émotion sans jugement, sans critique, avec bienveillance et compassion, par exemple “je me sens triste et c’est ok, j’accepte ma tristesse”
- Technique de gestion émotionnelle : la respiration est une excellente technique. Vous pouvez par exemple inspirez sur 4 temps, bloquez sur 4 temps, expirez sur 4 temps, bloquez à nouveau sur 4 temps puis recommencez jusqu’à ce que vous vous sentiez apais(é)e. Le sport, la méditation, le yoga, le tai-chi, le qi-gong sont aussi d’excellentes techniques pour gérer ses émotions.
- Le recadrage cognitif : Lorsqu’une émotion est très intense et vous amène à ruminer, pensez à la situation sous un autre aspect, ouvrez le champ des possibles. Par exemple votre manager était froid pendant votre réunion. Son comportement vous a blessé. Quelles sont les raisons qui peuvent expliquer sa froideur ? Des problèmes personnels, la fatigue, un entretien qui s’est mal passé avec son manager, une personne qui lui a coupé la route en venant au travail un problème dans les transports en commun. Il y a pléthore de raisons qui peuvent expliquer son comportement. Effectuer cet exercice vous aidera à mettre de la distance avec vos émotions.
3.3 Exprimer vos émotions
- De façon saine et constructive. Une émotion ne peut être contestée car elle est personnelle et subjective. Cependant la manière dont vous l’exprimez peut l’être. La communication non violente (CNV) est une excellente technique pour exprimer ses émotions. Cela consiste à parler de soi « dans cette situation je me sens….., mon besoin aurait été…..Comment pouvons-nous faire ensemble pour éviter cela la prochaine fois » S’exprimer selon le modèle de la CNV permet à l’interlocuteur de rester à l’écoute et de ne pas se sentir acculé par les reproches
- Une communication assertive: derrière une émotion il y a un besoin non comblé. Exprimez vos besoins de façon claire et concise dans le respect de l’autre.
En conclusion, exprimer ses émotions est essentiel pour maintenir un équilibre émotionnel et physique. En apprenant à reconnaître et à verbaliser vos émotions, vous pouvez éviter l’accumulation de stress et favoriser votre bien-être général. La gestion saine des émotions vous aide non seulement à améliorer votre bien-être émotionnel mais aussi à construire des relations plus authentiques et retrouver un sentiment de sérénité malgré les turbulences extérieures.
Essayez dès aujourd’hui de nommer vos émotions et observez l’impact sur leur intensité. Et si vous avez besoin d’un coup de pouce, on peut en parler.